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« Compétition&Concurrence » Vs « Coopération&Partage »

2009 | Catégorie : Politique

Vous l’aurez compris ce match qui se déroule actuellement au niveau des instances Européennes concerne l’avenir du logiciel libre. L’ouverture à la concurrence et la libéralisation des marchés ont toujours été le crédo du conseil Européen. Cette doctrine est tellement bien implantée dans les mentalités que plus personne n’ose la remettre en question. Or ces derniers temps la libéralisation dérèglementée a montré ses limites et a pris du plomb dans l’aile.

Hier j’ai eu une discussion animée avec un ami (il se reconnaitra certainement) à propos de la crise et de ses conséquences. Comme dans toute bonne discussion politique, nous sommes arrivés inévitablement à quelques points de désaccord quand au nouveau modèle économique à mettre en lieu et place du modèle libéral actuel.

Pour faire bref le débat était: le libéralisme basé sur la compétition et la concurrence contre le modèle encore tout jeune du logiciel libre prônant la coopération et le partage des développements technologiques.

Tout d’abord l’idée comme quoi la compétition au niveau économique est une nécessité pour l’amélioration technique, la baisse des coûts et donc la baisse des prix des biens et des services est complètement erronée. C’est même le plus souvent l’inverse qui se produit dans les faits. De nombreux exemples peuvent être cités, l’ouverture à la concurrence de France Télécom, La poste, EDF-GDF, SNCF a provoqué une baisse significative de leur créativité et de leur spécificité, en s’alignant sur les entreprises privées avec des prestations toujours tirées vers le bas et des prix toujours tirées vers le haut. (ex: Orange ne cesse d’augmenter le prix de ses mobicartes, et on peut aussi voir la disparition des offres moyen débit 512K pour forcée les abonnés à prendre des offres triple-play).

La compétition est le plus grand facteur de destruction d’entreprise (surtout de PME). On peut s’apercevoir du mécanisme notamment en étudiant le cas de Microsoft.

Dans les années 1970 à 1980, une multitude d’entreprise est née de l’ébullition primitive des nouvelles technologies de la microinformatique. Il existait des centaines de fondeurs de puces informatiques, de développeurs de logiciel, pour un nombre de client assez restreint. La règle qui dominait à l’époque était le secret industriel donc chacun développait dans son coin ses systèmes propriétaires fermés et aucun standard n’était vraiment mis en place. Bref un enfer de non-interopérabilité.

Il avait fallu faire intervenir l’ANSI pour remettre un peu d’ordre dans tout cela et ensuite l’ISO prendra le relais. Les entreprises elles-mêmes étant incapables de s’entendre sur des standards communs.

Au début des années 1980, Microsoft s’est lancé sur le marché émergeant des ordinateurs personnels, non pas grâce une supériorité technique de leur logiciel (Rien que la signification de MS-DOS en long sur cet OS, littéralement MicroSoft – Dirty Operating System), mais seulement parce que leur attitude commerciale avait été extrêmement agressive avec les premiers contrat de vente liées PC-OS. Soit dit en passant QDOS avait été racheté par MicroSoft pour une bouchée de pain, cela montre que le génie de Bill gates ne se trouve pas dans le développement des logiciels mais bien sur le plan commerciale. Juste pour situer à l’époque les premiers Unix (qui étaient des logiciels propriétaires appartenant à l’université de Berkeley) étaient extrêmement performant. La seule faiblesse des UNIX avait été de ne pas avoir su vendre correctement son OS à un très large publique. Il ne se vendait que quelques centaine de copie sur bande les codes sources étant fournie avec le logiciel. Ces copies étaient destinées uniquement aux chercheurs en informatique, aux très grosses entreprises et l’armée américaine. On voit donc très bien ici que la compétition ne fait jamais sur les aspects technique et de performance mais uniquement sur une stratégie commerciale qui est rarement avantageuse pour le client finale.

Pour en savoir plus sur les débuts de l’ère informatique je vous conseil la lecture du livre Tribune Libre, ténors de l’informatique libre.

Ensuite à partir de 1990 microsoft va s’installer en leader sur le marché du logiciel, IBM pour le marché des serveurs, INTEL AMD pour les fondeurs de micropuces etc… Sur les milliers d’entreprises existant à l’origine il ne reste aujourd’hui qu’une poignée de survivant presque impossible à déloger. En restant dans un tel système de compétition basée sur l’argent l’émergence impossible. Désormais toutes les petites entreprises de développement de logiciel se font absorber par les géants Microsoft, Sun, Adobe etc… Le résultat est assez simple, en 2005, la compétition est toujours là mais la concurrence a totalement disparu. La concurrence entre INTEL et AMD reste quand même assez illusoire quand on voit les contrats d’exclusivité qu’INTEL passe avec les assembleurs. Ce qui nous amène donc à la tricherie. Comme dans toute compétition il y a des tricheurs, c’est inéluctable surtout lorsqu’une entreprise est acculée à faire du profit par des actionnaires sangsues.

En parallèle un autre modèle s’est développé. Suite notamment à l’erreur de stratégie commerciale de l’université Berkeley, une solidarité entre les différents chercheurs en informatique s’est crée doucement mais surement. Ajouter à cela une idée originale de Richard Stallman qu’un programme livré sans code source, n’est que la moitié d’un programme, puis une initiative appelée GNU. Ajouter encore à cela une programmeur nordique un peu givré qui voulait créer son noyau Linux. Et enfin une petite pincée de développeur passionné bénévole et motivé. Une nouvelle communauté était née à la fin des année 1990. Si la compétition et la concurrence commerciale s’était appliquées ici, les chercheurs auraient continué à chercher dans leur coin, Richard Stallman aurait vendu quelques milliers d’exemplaires de son logiciel Emacs puis aurait embauché dans une grosse entreprise où l’expression personnel est plus que bridée, Linus Torvalds aurait essayé en vain de vendre son noyau qui aurait été certainement oublié dans un tiroir, et enfin les développeurs du dimanche serait resté des développeurs du dimanche.

Depuis environ 2005, le phénomène du logiciel libre commence à prendre de l’ampleur. Pourquoi en 2005 me direz-vous ? Voilà mon explication:

    - Microsoft possède à ce moment 95% du marché des OS, des suite bureautiques, des navigateurs internet etc…
    - Windows XP a déjà 4 ans et malgré des Services Pack cette OS se fait vieux, Internet Explorer 6 stagne sans aucune évolution, MS-Office n’a pas subit de gros changement depuis 1999.

La compétition et la concurrence ont fini par éliminer tous les concurrents pour former un monopole sans concurrent ni compétition ce qui a provoqué la stagnation. La compétition économique ne doit pas être un moyen de sélection sinon on arrive rapidement à une aberration tel que Microsoft. Malgré ça, c’est dans ce contexte que Ubuntu, Firefox et Open Office vont tirer leurs épingles du jeux.

Comment ces outsiders ont pu rivaliser avec un géant comme Microsoft. Tout simplement en s’améliorant sans cesse le but étant seulement de faire mieux que le précédant code qu’on a écrit. Ici nul besoin de compétition. Si une difficulté se présente on peut en discuter avec d’autres programmeurs. Dans ce contexte l’interopérabilité coule de source. Les bonnes idées sont gardées les mauvaises supprimées ou améliorées, la compétition se fait entre les idées elle-même et pas juste au niveau économique. La sélection se fait sur la qualité technique des produits et sur la qualité des services rendus. Les entreprises qui survivent sont celles qui répondent le mieux aux exigences du marché avec la meilleur écoute client. La mutualisation des moyens permet de faire fonctionner le système de manière efficiente. Aujourd’hui où on nous « bassine » à longueur de journée avec le développement durable, là je propose un système qui réduirait de façon drastique les coûts de développement de certaines entreprises. Par exemple dans l’industrie automobile chacun cherche à développer son propre moteur hybride, électrique, au gaz, à l’hydrogène etc… Pourquoi ne pas mutualiser les moyens des l’industrie automobile ? Ce que je propose c’est de construire des voitures comme des PC. C’est à dire en respectant des normes d’interchangeabilité entre les différentes marques et mettre en commun certaines pièces. Cela reste à creuser mais je sûr que c’est faisable si on étudie bien le problème.

Pour en revenir à Microsoft, à la date où j’écris cet article, des nuages gris s’amoncèlent au-dessus de Redmond, l’âge d’or du libéralisme s’effondre et la solidarité revient en force. Cela est certainement dû aux conséquences néfastes de la crise sur nos vies. Les modèles économiques basés sur l’entre-aide, la coopération et le partage ont le vent en poupe. Nous pouvons le voir dans le monde l’informatique mais aussi dans le monde de tous les jours. Les entreprises développant des logiciel libres, le commerce équitable de Max Havelar, les AMAP, les microcrédit etc… ne souffrent pas de la crise bien au contraire il sont en pleine expansion. La taille de Microsoft rend difficile tout changement de modèle économique. Récemment on a vu quelques bibliothèques passer sous une licence redistribuable, quelques lignes de code à même dû être publiée sous licence GPL. Et enfin Microsoft a de plus en plus de mal à éviter l’incorporation de code sous licence GPL dans ses produits (ex: Plurk. Le modèle basé sur la propriété intellectuelle appartenant à une seule personne orale ou physique s’effrite et ça ne fait que commencer.

Pour conclure, je dirais simplement que le modèle que nous offre le développement des logiciels libres pourrait nous offrir un bon nombre de réponse quant aux questions de la réforme du système économique, du développement durable ou de la résolution des problèmes sociales. Ce que je propose n’est pas une utopie, ce modèle fonctionne la preuve est juste devant vos yeux. Par contre pour moi « une main invisible qui dirige les marchés », « la compétition saine » et « la concurrence loyale » ne sont définitivement que des utopies de bistro qui n’ont jamais démontré leur efficacité dans la vie réelle.

Une idée reçu que j’ai souvent entendu lorsque je parle de partage et de coopération, c’est l’amalgame assez facile à faire, mais totalement erroné, avec le communisme. En effet la mise en commun des biens peut faire penser au système communisme, mais la comparaison s’arrête là. En effet la mise en partage ne doit pas être une obligation mais un acte volontaire, mais par contre il est normal que les éléments mis en commun ne puisse devenir par la suite une propriété exclusive d’une seule personne physique ou morale. Si on analyse le système communautaire tel que GNU on peut s’apercevoir qu’il ressemble plus à un système libérale qu’à un système autoritaire. Si pour un groupe de personne le développement d’une idée ou d’un produit ne réponds plus à leur attente, rien ne les empêches de créer une nouvelle branche de développement (en informatique on appelle ça un Fork). Certaines branches peuvent ensuite refusionner et partager les différents apports (cela s’appelle une Merge). On pourrait imaginer la même chose pour le développement en commun de produit industriel, mais pour cela il faudrait changer la mentalité puéril de la propriété intellectuelle des dirigeants d’entreprise. Le secret industriel est plus un handicap qu’un avantage sur les concurrents (standard inexistant, coût de développement prohibitif, très difficile à faire évoluer pour suivre les nouvelles technologies etc…). De plus les clients achètent le plus souvent l’idée qu’il a du produit plus que le produit lui même. Le bon français moyen préfèrera acheter une Peugeot 806 plutôt qu’un FIAT Ulysse alors que ces 2 voitures sont à 99,9% identique, puisqu’elles ont été développées en commun avec PSA et FIAT. La propriété intellectuelle équivaut à un âge mentale de 3 ans du « non je prête pas mes jouets » et pourtant c’est l’état d’esprit de la majorité des chefs d’entreprises. C’est dire le boulot qu’il reste à faire pour les éduquer et les convaincre de revoir leurs positions.

PS (suite à un commentaire insultant): Ceci est mon avis et je comprends que vous ne soyez pas d’accord et je respecte votre opinion donc merci d’éviter les insultes dans les commentaires, d’une part parce que ça n’est pas constructif et d’autre part votre commentaire sera supprimé. Par contre si vous argumentez poliment contre l’article votre commentaire ne sera pas supprimé et même je vous encourage à le faire.

Mithrandir79

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